Satan, mes Frères et moi.                  EV XIXe siècle
 

- Commentaire sur l'image "Le Lillois du 25/09/1892" : L’hebdomadaire satirique Le Lillois, le plus ancien journal antisémite français est soutenu par les milieux catholiques de la ville. Il ne vit qu'une dizaine d'années (1884-1893), mais est fort dynamique pour diffuser sa propagande  antisémite et antimaçonnique. Il publie ici la liste des membres de la Loge n° 313 de l'Orient de Dunkerque.

7e Salon Maçonnique du Livre (Manifestation publique avec entrée libre et gratuite)

Descriptif et programme : invitation sur Salon. Pour Bernard Besret et Jean-Jacques Gabut, voir ici.

Il s'est déroulé  à  Paris dans le 17e, avec votre serviteur comme  participant à une Table Ronde avec Bernard Besret et Jean-Jacques Gabut.
Vous trouverez ci-après les notes que j'avais préparé pour cette intervention, sans aucune modification. Elles reprennent une partie de ce que j'avais pour "Satan, mes frères et moi".
Après une brillante explication de la tolérance maçonnique par M. Gabut, et une savante démonstration d'une forme d'
œcuménisme par M. Besret, chacun semblant rejeter d'un revers de la main une problématique qui pourtant existe. Je ne peux ici réduire ces deux excellentes interventions à quelque chose d'aussi caricatural, mais il n'est pas dit que les questions disparaissent lorsqu'elles sont ignorées. Le maçon de base, catholique de surcroît, est toujours dans une impasse, face à plus de 270 ans de condamnations par l'Église. Ce n'est ni récent, ni anecdotique...

L’anticléricalisme n’est pas la vocation de la FM, pas plus que l’église n’a pour objet la lutte contre la FM. Elle avait (elle a encore ?) cependant des craintes bien légitimes, surtout venant de jésuites (comme Mgr Meurin) habitués à prendre en charge une bonne partie de l’éducation intellectuelle, de voir un enseignement « presque entièrement entre les mains de professeurs rémunérés par des gouvernements maçonniques (ce qui fut souvent vrai) et par conséquent imbus des préjugés antichrétiens » (p. 19), reliant la FM à la kabbale, une forme de paganisme « caché sous un manteau rabbinique » (p. 23).

Les constitutions des FM (Londres 1723) dans laquelle je suis tombé tout petit (1971) précise qu’un maçon, s’il entend exactement l’Art, ne sera jamais un stupide athée ni un libertin irréligieux. Précisons que l’original anglais dit « he will never be a stupid atheist » ce qui sous entend que tous les athées sont stupides (un athée stupide), et non un être stupide qui est athée, comme l’exprime la traduction française. Une volonté des pasteurs (Anderson et Desguliers) à l’origine ?

 1789 On peut s’interroger sur le rôle de la FM dans la Révolution Française, des liens éventuels, car rien ne me semble très clair sur ce sujet, tissés entre des loges voire des clubs, et certaines hostilités à l’église catholique. On peut encore évoquer des complaisances qui tendent à considérer l’église comme une vulgaire loge bleue, qui ne possède rien des secrets initiatiques. Je ne suis pas du tout certain de cette influence supposée, si je me réfère aux écrits de Joseph de Maistre par exemple (Mémoire au Duc de Brunswick, envoyé au convent de Willemstad en 1782) qui vit ces courants de l’intérieur. Dans ce but, et dans ce document, il propose de renoncer à l’héritage templier supposé dans certains grandes, puisqu’ils étaient coupables (p.66). Il demande de la même manière que l’on abandonne « les folies de Memphis » (p. 82) pour s’attacher à l’évangile seulement. Il termine en considérant que « nous sommes tombés sur tout ce qui concerne la religion dans une indifférence stupide que nous appelons tolérance » (p. 100).

 - à la fin du XIXe siècle : vive évolution antireligieuse de la maçonnerie.


En 1893, Mgr Léon Meurin (La FM synagogue de Satan,) écrit : « La franc-maçonnerie est l’héritière des anciennes superstitions diaboliques … de l’antique paganisme » pour reprendre.
Il est vrai que la Maçonnerie puisera un peu partout sa symbolique, y compris dans les templiers, la Rose+Croix et l’Égypte ancienne pour l’élaboration de ses rituels. Le paganisme ne fait donc pas partie des horizons interdits peut, à juste titre, inquiéter ou inspirer des commentaires qui déforment ses intentions.

1893 c’est ausi l’année où Maria Desraimes, fonde une obédience mixte et anticléricale sous le nom de Droit Humain.

C’est un an plus tard, en 1894, que sera constituée la Grande Loge de France (GLDF) qui se réfère symboliquement à un Grand Architecte de l’Univers, une figure à peine masquée du Dieu des chrétiens.

En avril 1897 Léo Taxil révèle son imposture à la Société de Géographie de Paris après douze années de récits délirants, ridiculisant un peu l’église qui avait adopté trop rapidement ses ‘révélations’ fantasques… Mais comment ne pas y croire quand même le pape y croyait !

- L’affaire des fiches est dévoilée dans les instances gouvernementales de la IIIe république, en octobre 1904 : Le général Louis André (qui lui ne fut probablement jamais FM) est nommé ministre de la guerre en 1900. Pour laïciser l’armée, le général veut faire établir des fiches sur les opinions politiques et religieuses des officiers, et posséder ainsi un outil pour gérer leur avancement. Comme le Grand Orient de France est clairement engagée dans la lutte pour la séparation de l'Église et de l'État, et l’histoire lui donnera bientôt raison, le général passe un accord avec la Franc-maçonnerie pour utiliser sa structure nationale. Ses loges sont, en effet, réparties sur tout le territoire, au plus près de chaque garnison. Le G :.O :. Établira 19 000 fiches centralisées au siège secrétariat de la rue Cadet par Narcisse-Amédée Vadecard  (secrétaire du Grand Orient de France) et son adjoint Jean-Baptiste Bidegain. Elles seront ensuite transmises au capitaine Henri Mollin (le gendre d'Anatole France), membre du cabinet du général André. Ces fiches renseignaient sur les habitudes et les opinions religieuses des officiers, la fréquentation des églises ou les relations privées, souvent dans des termes très anticléricaux.

- C’est, en effet, le 24 janvier 1905 qu’est votée la loi sur la Séparation des églises et de l'État. Cette dernière actualise dans les faits la laïcité issue de la Révolution un siècle plus tôt, ce qui met un terme aux polémiques anticléricales de tous bords. Cette loi est mise en œuvre par des F :. Comme Jules Ferry (ministre de l’instruction publique) ou Émile Combes (président du Conseil).


En 1922 le Parti communiste français interdit à ses membres d'appartenir à la FM, comme « contrefaçon petite bourgeoise du catholicisme féodal » selon Léon Trotsky cette année là. Il terminait par : « La franc-maçonnerie est une plaie mauvaise sur le corps du communisme français. Il faut la brûler au fer rouge » 
(Les Cahiers Communistes le 25 nov. 1922). Juste retour des choses puisque le pape, en 1878, avait condamné le socialisme (Encyclique Quod apostolici numeris, Pie XI (1931), ou encore l’Encycliques Quadragesimo Anno et Divini redemptoris en 1937), même si cela fait aujourd’hui sourire.

________________________________________

On invoque généralement trois sortes d’incompatibilités qui rendent condamnable la franc-maçonnerie au regard de la doctrine catholique :


1) La franc-maçonnerie prône le relativisme au prétexte de la tolérance, comme une doctrine. Il n’y a donc ni vérité définitive ni vérité universelle comme une forme de rationalisme des Lumières. Ce qui revient à dire qu’aucune religion n’est plus vraie que les autres. Le maçon soutient le primat et l’autonomie de la raison par rapport à toute vérité révélée (Mgr Dominique Rey (Peut-on être chrétien et franc-maçon ? Éditions Salvator, paru dans La Nef , 2007). Relativisme religieux qui met toutes les religions sur le même plan.
La franc-maçonnerie prêche encore le relativisme moral. Aucune règle morale n’est pour elle d’essence divine, donc intangible. La FM s’affranchi du dogme avec la morale pour seule interprète du bien et du mal. La sotériologie est la doctrine du Salut : le chrétien est sauvé par la grâce dans le Salut. Si l’homme se sauve lui-même par sa morale (ou l’humanisme) comme il peut le faire par des réincarnations successives en d’autres religions en une sotériologie auto-rédemptrice, le Christ sauveur par sa passion ou sa résurrection n’a plus lieu d’être.
« La morale est un enduit qui rend imperméable à la grâce » disait Charles Péguy.
On ne peut mélanger le spirituel et le moral, qui ne peut se rattacher au péché. Le problème moral se pose pourtant chaque jour en théologie, examiné avec une technique qui est la casuistique comme un effort quelquefois désespéré, pour joindre la morale et la réalité du vécu (mutilations volontaires, prévention du sida, avortement etc.).

2) Une religion laïque ? Est-ce qu’être un « hommes de bonne volonté » suffit au christianisme ? Le grand architecte de l’univers est quelque chose d’indéfini, mais la conception ambiguë de la « prière au Grand Architecte » dans le rituel RER se vit bien comme une foi. Pourtant, chacun (le chrétien, le musulman, le confucianiste ou l’animiste) peut y introduire sa représentation de Dieu.
- Or, pour l’église, Dieu n’est pas un principe philosophique ni une vision œcuménique mais celui que l’on doit appeler père, ce « seigneur prend pitié » de nos offices ne peut-être confondu avec les autres représentations.
Le christianisme présente un Dieu qui n’est en aucun point comparable aux autres dieux (Cf. notre dernier livre). Notre Dieu est caché il inspire la Bible et ne la révèle pas. Une science cherche à démontrer son existence, l’apologétique, en dépit d’une incompréhension totale de cette démarche pour une autre croyance. Elle tente de répondre à une question bien naturelle : pourquoi dois-je croire cela ?

3)
Les positions anticléricales de certaines loges : la confusion pas toujours innocente, entre la morale évolutive, contingente et la morale chrétienne. Pourtant, l’anticléricalisme d’antan devrait-être aujourd’hui une position désuète avec, entre autres raisons, l’effondrement du communisme.
La notion de secret, y compris en interne, est élitiste, voire anti-universelle.
La FM :. diffuse un enseignement de type gnostique pour Mgr Dominique Rey (2007). C'est-à-dire une vision salvifique et intellective selon ce qu’enseignaient religieux des premiers siècles (Origène, Clément d’Alexandrie…). De fait, on interprète souvent, depuis le XIXe siècle (version de l’ésotériste Rudoff Steiner 1861-1925) le G de nos temples comme celui de la Gnose. Le rapprochement est rapide avec l’église Gnostique universelle (fondée par Doinel en 1890) proche du catharisme, un vieil ennemi de l’église médiévale, et sa revue La Gnose où René Guénon écrivit bien souvent vers 1909/1910.

__________________________________

 
Idées de Dieu « Or la laïcité n’est, en définitive, qu’une conséquence du commandement de l’amour du prochain, quel qu’il soit. Ceci explique qu’il ne peut pas exister de laïcité islamique au sens où nous la connaissons, où ceux qui croient et ceux qui ne croient pas au Coran seraient en tous points égaux ».

Positions du Vatican : + de 270 ans de condamnations


28/04/1738  Encyclique In eminenti apostolatus speculae de clément XII, excommunication.
Le 18/05/1751, le Pape Benoît XIV, en promulguant la constitution Providas Romanorum Pontificum.
Le 13/09/1821, le Pape Pie VII, en promulguant la constitution Ecclesiam a Jesu Cristo.
Celle du 13/03/1826 Quo Graviora du pape Léon XII, sur les sociétés secrètes.
Le 31/03/1829, le Pape Pie VIII, dans l'encyclique Traditi, portant anathème sur les sociétés secrètes.

Le 15/08/1832, le Pape Grégoire XVI, dans l'encyclique Mirari vos.

En 1873 encore, la bulle de Pie IX "etsi multa", condamne moins la maçonnerie elle-même que ses influences politiques.
Le 25/09/1865 le consistoire secret du pape Pie IX condamne de nouveau la Franc-Maçonnerie.

12/10/1869 condamnation par la Constitution Apostolique Apostolica Sedis du pape Pie IX.
20/04/1884 Léon XIII confirme sans appel la condamnation de la Franc-maçonnerie dans son encyclique Humanum Genus.
1917 Benoît XV promulgue le canon 2335 ("Sont frappés d’excommunication latae sentenciae (par le fait même) tous ceux qui donnent leur adhésion à une secte maçonnique ou à des sociétés secrètes qui se livrent à des complots contre l’Église ou des pouvoirs civils légitimes.").

Le Code de droit canon révisé le 25/01/1983 (canon 1184), les maçons ne sont plus nommément cités.

Le 13/07/1985 le synode général de l’Église d’Angleterre, par 394 voix contre 52, qualifie la franc-maçonnerie d’hérétique et juge la pratique maçonnique incompatible avec l’appartenance à l’Église chrétienne.

Aujourd’hui (1983), condamnation sans appel : -Voir page suivante-


Divers : 

- Les critiques musulmanes à l'encontre de la franc-maçonnerie sont rares et historiquement récentes. Elles sont pourtant parfois violentes. Le 15 juillet 1978 par exemple, une fatwa est prononcée en Égypte par le Collège islamique de l'Université El-Azahar du Caire qui prohibe formellement l'initiation maçonnique aux musulmans.
- Protestants : L'église méthodiste libre interdit à ses membres d’être FM :.. La Southern Baptist Convention, la plus importante association baptiste des États-Unis, déclare elle pareillement que l'appartenance à la franc-maçonnerie est incompatible avec ses croyances.
- Au XXe, l'extrême droite politique évoque parfois le discours antisémite et l’on dénonce alors le complot "judéo-maçonnique" comme lors de l'affaire Dreyfus.
- Au début des années 70, trois cardinaux (Joseph Krol, Franz Koenig et Franjo Seper) cherchent des positions ‘conciliantes’ sur la base « des sociétés qui complotent contre l’église ».

Lors de la rédaction du Code de droit canonique de 1983, un certain nombre d’hommes d’Église sont intervenus pour que ne soit pas reconduite l’ancienne peine d’excommunication. En particulier, les cardinaux Casaroli (Secrétaire d’État) et Castillo Lara, ou l’alors Mgr Vincenzo Fagiolo. Le cardinal Ratzinger fait paraître quelques mois après un texte, approuvé par Jean-Paul II :


(http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19831126_declaration-masonic_fr.html
)

CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI

DÉCLARATION SUR L’INCOMPATIBILITÉ ENTRE L’APPARTENANCE À L’ÉGLISE ET LA FRANC-MAÇONNERIE

On a demandé si le jugement de l’Église sur les associations maçonniques était changé, étant donné que dans le nouveau Code de droit canonique il n’en est pas fait mention expresse, comme dans le Code antérieur.

Cette Congrégation est en mesure de répondre qu’une telle circonstance est due au critère adopté dans la rédaction, qui a été suivi aussi pour d’autres associations également passées sous silence parce qu’elles sont inclues dans des catégories plus larges.

Le jugement négatif de l’Églises sur les associations maçonniques demeure donc inchangé, parce que leurs principes ont toujours été considérés comme inconciliables avec la doctrine de l’Églises, et l’inscription à ces associations reste interdite par l’Églises. Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion.

Les autorités ecclésiastiques locales n’ont pas compétence pour se prononcer sur la nature des associations maçonniques par un jugement qui impliquerait une dérogation à ce qui a été affirmé ci dessus, dans la ligne de la déclaration de cette Congrégation du 17 février 1981 [1] (cf. AAS 73, 1981, p. 240-241: DC 1981, n° 1805, p. 349. Voir aussi la déclaration de l’épiscopat allemand du 12 mai 1980, DC 1981, n° 1807, p. 444-448).

Le Souverain Pontife Jean-Paul II, dans l’audience accordée au cardinal préfet soussigné, a approuvé cette déclaration, qui avait été délibérée en réunion ordinaire de la Congrégation, et en a ordonné la publication.

 

A Rome, au siège de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, le 26 novembre 1983.

Joseph, card. RATZINGER, Préfet

+ Fr. Jérôme Hamer, O.P. Secrétaire

 OR : L’excommunication consiste en l'exclusion de la communion des fidèles (Code de droit canonique de 1983, canon 1331).

____________________
[1] réserve au Siège apostolique tout jugement sur la nature de ces associations qui aurait impliqué des dérogations à la loi canonique alors en vigueur (canon 2335).